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16 octobre 2014

Routine

Il y a 7 ans, je suis revenue à Nantes, après 25 ans d'exil volontaire. Certes, ma famille était dans la région, mais mes amis, eux, étaient restés à Paris où j'avais aussi laissé un mari, un appartement, un travail... Je me retrouvais donc isolée dans une ville qui m'était devenue étrangère, sans rien de ce qui m'avait servi de repères pendant plus d'une décennie.Ma fille m'avait inscrite à un site de rencontre en ligne. En pleine procédure de divorce, et en situation plus que précaire, je n'avais pas vraiment l'esprit à la gaudriole. j'avais des tonnes de choses plus urgentes et plus importantes à faire que de draguer sur internet. Pourtant, ces flirts virtuels, m'ont permis de sacrées parties de rigolade avec ma fille, un premier contact avec la faune locale, et même de me trouver des amis et des amoureux.Ce site proposait un quizz-test à composer avec des questions fermées déjà fournies, parmi lesquelles : " Selon vous, la routine est-elle un tue-l'amour ?" La réponse attendue était "oui". Et même quand je l'ai mise dans mon propre quizz, je n'ai jamais vu la case "non" cochée. Beaucoup d'autres questions étaient orientées dans ce sens et appelaient des réponses formatées. Apparemment, il n'y a rien de plus attrayant qu'un homme qui cherche à vous surprendre tous les jours.

La routine sonne péjorativement aux oreilles de la plupart des gens. Assimilée au "métro, boulot, dodo", elle leur évoque un manque total d'imagination, une monotonie lassante, un ennui programmé.

Pour moi, la routine, loin de tuer l'amour, le renforce plutôt. Elle me donne une impression de pérennité qui me rassure et quand on m'annonce une surprise, mon plaisir est toujours mêlé d'un peu d'appréhension  Eloignons-nous des clichés romantiques : passée la phase de séduction, quelle est la valeur d'un sentiment qui ne saurait résister au quotidien ?

"- C'est vrai, qu'enfant, tu n'aimais pas les voyages" se rappelle ma mère. Je n'ai rien contre les voyages en général. Au contraire, ils vous ouvrent l'esprit et forment la jeunesse. Mais étant pensionnaire à longueur de semaines, les vacances arrivées, je n'avais qu'une envie : retrouver le cocon familial et me ressourcer dans son décor connu.

A l'adolescence, a commencé une période d'instabilité qui s'est poursuivie bien au-delà. Je ne gardais jamais une place (ou un mec) bien longtemps. Je ne savais jamais de quoi demain serait fait et ne m'en souciais guère. Pourtant, dès que je faisais mine de me poser, j'avais besoin de m'établir un emploi du temps et de me soumettre à une auto-discipline que les autres jugeaient rébarbative et absurde.

 L'année dernière, l'entrée au collège de mon fils a considérablement influé sur son rythme de vie. D'un seul coup, tout allait trop vite pour lui. Il a ressenti le besoin de noter toutes ses tâches quotidiennes pour les suivre à la lettre. Ses temps de travail, jeu, télévision, lecture, repas, brossage de dents...tout était soigneusement consigné et minuté. Cette semaine, je suis tombée par hasard sur sa "feuille du matin". Ecrite avec des encres de couleurs différentes et agrémentée de flèches et de parenthèses, je n'en restitue ici que le texte (dont j'ai corrigé les fautes d'orthographe).

 

Pour le matin

SE REVEILLER

Se peser. Poids à noter sur la feuille et la feuille de maman le jeudi.

Petit déjeuner (pain, beurre et fruit)

Après brossage, bain de bouche.

Ne pas oublier : portable

                        carte de self

                        carte, ticket ou argent pour bus.

Avant de partir : habits

                        cartable

                        veste

                        agenda

                        télé

Ascenseur : préparer l'argent.

 

Pour jeudi : 

feuille de Maman

appeler Mamie

 (Une grande flèche couvre tout le côté de la page avec la mention "dans l'ordre").

 

Au vu de cette feuille, certains penseront peut-être que mon garçon n'est pas très fûté. (D'ailleurs, malgré cela, il oublie encore régulièrement son cartable, sa veste, son agenda...) Pourtant, il est plus autonome que beaucoup de garçons de son âge et l'a été bien plus tôt qu'eux. 

Il est étonnant comme nos réactions peuvent gêner, surprendre et même effrayer alors que nous avons globalement, nous autres autistes, un attachement à nos habitudes et des goûts très linéaires en matière d'alimentation, de vêtements, de couleurs...

Depuis que je me suis (tardivement) stabilisée, j'assume le fait d'être routinière, casanière. Pourtant, je ne m'ennuie jamais et j'ai l'impression d'avoir une vie beaucoup plus riche que celle de ces personnes sans cesse en besoin de nouveautés. J'aime que les jours se suivent et se ressemblent.

Une étude récente a démontré que les couples formés avec des Asperger qui avaient eu la chance de se trouver un(e) partenaire étaient statistiquement plus solides que ceux composés uniquement de neurotypiques. Moins de divorces, séparations ou adultères...

Et si, finalement, aimer sa routine, ne pas se lasser des répétitions du quotidien, était une façon de se rester fidèle ? 

 

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