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Aspi de A à Z

15 décembre 2016

Diagnostic (s) 1ère partie

J'ai toujours veillé à la concision de mes articles aussi, je scinderai celui-ci en deux parties, d'autant que n'ayant rien publié depuis des mois, j'avais commencé à l'écrire il y a longtemps déjà. Depuis, ce qui était d'actualité hier ne l'est plus aujourd'hui...

Enfin, mon fils est officiellement diagnostiqué autiste !  Cette nouvelle qui tombe comme un couperet pour bien des parents et sonne le glas de toute une vie projetée n'en est pas une pour moi qui la reçoit comme une délivrance.

Les tests ont été effectués en octobre (cf mon article "ADI") mais, entre les emplois du temps chargés du docteur D, de la psychologue madame T, de F et moi-même et les évènements survenus depuis, leur compte-rendu ne m'a été restitué qu'au mois de juin.

Beaucoup m'ont demandé pourquoi je tenais tant à un diagnostic. Hélas, je dois l'avouer, pour de mauvaises raisons. Ni pour lui, ni pour moi, mais pour les autres. Les autres, l'administration, la famille, l'entourage,l'école...  Cela fait plus de deux ans que ce diagnostic, je l'ai moi-même posé.

Quand les gens trouvent mon fils bizarre, que certains croient qu'il a un retard mental, que d'autres prétendent qu'il n'a pas besoin d'aide et qu'il est juste de mauvaise volonté, j'ai maintenant une explication à leur donner. Je me passerais bien de cette justification mais, apparemment, la société en a besoin.

F a passé l'ADOS et le WISC IV. Ce dernier consiste en "une batterie d'épreuves qui explorent différents champs de l'intelligence". Les résultats sont trop hétérogènes pour permettre de calculer un score de QI "classique" mais mettent en exergue des faiblesses dans le domaine verbal, tout en restant dans une moyenne basse, et des capacités bien supérieures à la moyenne dans le domaine de la perception et du raisonnement logique. Quand à l'ADOS, le résultat est sans surprise ni pour moi, ni pour le Dr D : il a chuté tous les items (surtout ceux concernant l'interaction sociale réciproque) sauf dans le domaine des comportements répétitifs et stéréotypies.

Je n'ai pas encore tous ces résultats  quand je suis reçue moi-même dans les locaux du CRA pour un premier entretien avec un médecin et une psychologue. L'atmosphère est détendue et sympathique, le dialogue ouvert et chaleureux. Bref, ce rendez-vous me laisse une bonne impression, même si le docteur M ne me cache pas la difficulté d'un diagnostic dans mon cas. Adulte de 47 ans à haut potentiel, de sexe féminin qui plus est... tout est fait pour tromper l'ennemi !

Pourquoi un diagnostic ? Ai-je envisagé l'éventualité que celui-ci n'aille pas dans le sens que j'attends ? Quel qu'il soit, quelles en seraient les suites ? Je répète ce que j'ai toujours dit. En étudiant le syndrome d'Asperger, je me suis de plus en plus persuadée d'en être porteuse. Bien sûr que j'y crois. Bien sûr qu'un diagnostic positif apporterait des réponses à tant de questions. Pour autant, j'ai tant appris et découvert ces dernières années que je reste réceptive à d'autres explications. Cela ne changerait rien à ma vie ni à ma personnalité et je ne prétends pas être infaillible.

Cela tombe bien, eux non plus. "Vous seriez venue il y a quelques années encore, on vous aurait ri au nez et renvoyée d'où vous veniez. Mais dans ma carrière au CRA, j'ai vu tant de formes et de degrés d'autisme différents que je ne suis plus sûr de rien. Sans compter que d'un CRA ou d'un psychiatre à l'autre, les diagnostics peuvent être très différents. Il y en a qui voient des Asperger partout et d'autres qui n'en voient nulle part. De toute façon, ici, on ne vous dira pas que vous ne l'êtes pas mais, le cas échéant, que les éléments cliniques en notre possession ne suffisent pas pour poser un diagnostic d'autisme." Voilà en substance les propos du docteur M qui planifie un second rendez-vous auquel il sera absent, vacances obligent.

Ce deuxième entretien se déroule devant une caméra défectueuse. L'on me fait répéter encore les raisons qui m'ont amenée à demander un diagnostic. On me demande des détails sur mon hypersensibilité aux bruits et aux odeurs, sur mon hyposensibilité à la douleur (j'ai retrouvé depuis un compte rendu hospitalier qui fait mention d'une hypoesthésie), sur les conditions de mon adoption, sur mon adolescence tumultueuse...J'ai l'impression de passer ma vie à la raconter... Avant de clore l'entretien, on me fait passer deux tests. Le premier consiste à raconter l'histoire d'un livre uniquement composé d'images, le deuxième, à imaginer cette fois une histoire à partir de cinq petits objets choisis parmi d'autres. Je mets un point d'honneur à être sincère et réactive. J'évite de réfléchir pour ne pas influencer les résultats des tests. Ce n'est que rentrée chez moi, en ressassant les questions posées et les remarques faites, que je me rends compte des erreurs commises dans le premier test. Ces erreurs ne m'ont pas empêchée de livrer une interprétation tout à fait correcte de l'histoire mais ont mis en évidence un déficit dans la théorie de l'esprit et un attachement inapproprié à  certains détails (enfin,cela, c'est ma propre interprétation).

Il s'agissait de l'histoire d'un petit garçon qui avait perdu sa grenouille.( A noter que j'avais demandé à changer de livre, le premier me paraissant incompréhensible) Les images sont parlantes, on le voit se coucher avec l'animal. On voit celui-ci partir pendant la nuit, et le petit garçon le chercher partout à son réveil dans la chambre mais aussi dans ses vêtements. Le petit garçon décide de partir avec son chien dans la campagne à la recherche de l'animal, on le voit déambuler dans divers décors. Jusque là, rien de bien compliqué pour moi. Je raconte ce que je vois ce qui, somme toute;revient à répéter que l'enfant cherche la grenouille. A un moment donné on voit un hiboux dans un tronc d'arbre. La psychologue me fait reculer d'une page "-Regardez, l'enfant a une position particulière. Pourquoi ?". En effet, l'enfant a une position de recul. Au même moment, on voit des abeilles provenant d'une ruche taquinée par le chien la page précédente. Je réponds spontanément que l'enfant essaie d'échapper aux abeilles."-Vous ne croyez pas plutôt que c'est le hiboux qui lui a fait peur ?". Après coup, cela me parait évident. Mais sur l'instant, je pense à tout sauf à ça. Je poursuis mon récit, arrive à la fin (heureuse, je m'en doutais) de l'histoire. L'enfant retrouve la grenouille. On me fait revenir en arrière. "-Que vous suggère cette image ?" Je me creuse la tête. Eurekâ ! Il y a une anomalie ! L'enfant a les yeux tournés vers le haut comme pour sourire et la bouche vers le bas, donc chagrine, ce qui est contradictoire. Mes deux interlocutrices se tournent l'une vers l'autre, perplexes, genre, -Tiens, on nous l'avait jamais faite celle -là ! "- Non, rectifie l'une, ce que vous n'avez pas vu, c'est que l'enfant a la main dressée derrière le pavillon de son oreille parce qu'il entend quelque chose". Le coassement de la grenouille ! Ce qui lui permet de la retrouver...! CQFD. L'indice m'avait échappé, je croyais simplement que la grenouille avait été retrouvée à force d'être cherchée...

Quant au deuxième test, je suis incapable de l'évaluer (je ne suis pas une professionnelle). J'ai choisi comme objets : une paire de lunettes cassées, un chandelier, une espèce de dinosaure, une voiture, une table. J'ai raconté l'histoire suivante : C'est une homme qui est invité à manger (je sors la table), à diner plutôt, c'est le soir, un diner aux chandelles (je sors le chandelier). A la fin du diner, il rentre chez lui en voiture (je sors la voiture miniature), Il heurte un tricératops (je sors l'espèce de dinausaure) et, dans l'accident, ses lunettes sont cassées (je sors la monture de lunettes cassées). Je vous laisse faire votre propre interprétation...

 

 

 

 

 

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1 juillet 2016

Harcèlement

Le harcèlement est, malheureusement, une pratique couramment subie par les autistes. Pour beaucoup d'aspis "invisibles", je dirais même que c'est souvent cette première manifestation de la société qui leur fait réellement prendre conscience qu'ils sont différents.

Enfant, railleries, mise à l'écart ou tours plus pendables qu'innocents étaient mon lot quotidien. Aussi, je rentrais parfois de l'école primaire les vêtements salis ou déchirés après un affrontement plus physique qu'à l'ordinaire. Un jour, je décidai que plus rien ne me toucherait. Je me réfugiais alors dans un univers où j'imaginais que j'étais le seul être humain dans un monde de robots. Cette tactique était efficace. Elle me permettait de rester détachée en toutes circonstances, même les plus humiliantes. J'étais quelqu'un d'infiniment supérieur à toutes ces machines mécaniques. Moi seule vivais, le reste n'était que décor...

A l'âge adulte, même si le regard des autres demeure inquisiteur et critique, la méchanceté apparait de façon moins flagrante et la vie nous a appris d'autres stratégies de défense. Si le harcèlement revient, il n'est plus le fait d'un phénomène de groupe mais provient d'individus manipulateurs ou xénophobes. A croire que l'âge dit "innocent" est le plus cruel... En tant que parent, j'espérais, sans illusion, que mon fils échapperait au harcèlement.

Il ne m'en a jamais parlé spontanément. Avec un caractère encore plus passif et moins communicatif que le mien, je me doutais bien qu'il devait constituer une cible privilégiée. Le premier incident sérieux est survenu en CE1. Coup de fil de l'école : on avait retrouvé un couteau dans le cartable de mon fils. Je suis tombée des nues. Le personnel de l'établissement aussi. A l'époque, il était scolarisé dans une ZEP et parmi des congénères indisciplinés et en difficulté, il passait pour un élève modèle. Seule la pédopsychiatre avait réussi à lui extirper une explication : on lui avait lancé plusieurs fois "- Je vais te tuer !". Il avait pris la phrase au premier degré. La pédopsychiatre était enthousiaste ("- Mais, il va très bien votre garçon ! Vous vous rendez compte de l'instinct de survie qu'il a ?"), moi, beaucoup moins...

Par la suite, je trouvais des traces suspectes sur son corps. A force de l'observer et de le questionner, j'arrivais, au travers de ses réponses tronquées, à reconstituer vaguement une partie des avanies qu'on lui faisait subir. Il était le souffre-douleur de sa classe (et même des plus petits), ils se mettaient à plusieurs parfois pour lui tomber dessus. Je demandai une surveillance accrue lors des récréations. On me répondait que les autres élèves le taquinaient bien un peu mais que cela n'avait rien de méchant et que c'était à lui de faire des efforts pour s'intégrer. Mon fils a commencé à se dissiper, à moins bien travailler jusqu'à ce que je découvre qu'il s'agissait d'une manoeuvre stratégique pour être puni, donc privé de récréation. J'alertais les institutrices en vain. Une fois il est revenu avec ses lunettes dans un tel état qu'on aurait cru que quelqu'un s'était acharné à les détruire en sautant dessus à pieds joints. Le personnel de l'école connaissait l'auteur du méfait mais, encore une fois, "ce n'était pas méchant"...! J'ai dû menacer d'engager la responsabilité de l'établissement pour qu'ils me fournissent enfin les documents nécessaires pour mes démarches auprès de l'assurance du coupable...

De mon côté, je n'étais pas très offensive. Je ne pouvais pas l'encourager à recourir à la violence pour se défendre (ce qu'il aurait d'ailleurs été incapable de faire), j'essayais juste de lui donner davantage confiance en lui (tâche ardue) afin qu'il parvienne à maintenir à distance ses tourmenteurs (sa stature à elle seule aurait dû être dissuasive), je lui ai fait suivre des cours de karaté (il était aussi allergique au sport que moi)... Il attendait beaucoup d'un changement d'école. Je l'ai mis dans un collège privé catholique. Peine perdue, ce nouveau milieu n'était pas moins hostile. Heureusement, les enseignants l'ont vite remarqué, plus attentifs qu'en primaire. J'entendais pourtant toujours le même refrain : "- C'est à F de faire des efforts pour s'intégrer"...

Cette année a été très dure pour nous deux. J'étais moi-même victime de harcèlement sur mon lieu de travail, et par mon employeur, et par deux de mes collègues. Sachant que j'élevais seule mon fils, on s'était ingénié à m'imposer des horaires incompatibles avec une vie de famille. Livré à lui-même, mon fils angoissait, perdait le sommeil et régressait dans son autonomie. Moi, j'alternais, quand je ne cumulais pas, les malaises, les phases de dépression et de colère, les arrêts maladie... En grande difficulté financière, je concentrais toutes mes forces à tenir bon (ce boulot, j'en avais absolument besoin) sans me rendre compte de l'étendue des dégâts occasionnés tant pour mon fils que pour moi. Et puis, en début d'année civile, le collège m'a demandé de venir chercher mon fils : ne supportant plus le harcèlement qu'il subissait, il avait essayé de s'étrangler avec une ficelle...

J'ai énormément culpabilisé. J'étais affaiblie, préoccupée et surtout absente. Ma propre détresse et sa solitude l'avaient fragilisé. Après cet épisode, l'école a réagi très vite et très bien en impliquant tous les élèves et tous les professeurs entourant mon fils. Ils sont, depuis, restés très attentifs. F a été vu par deux psychologues, l'une à l'école et l'autre au CMP.

Peu de temps après, je suis convoquée par le docteur D qui me demande depuis combien de temps mon fils est concerné par le harcèlement. Depuis toujours. S'en plaint-il ? Jamais. C'est toujours moi qui dois le harceler de questions pour obtenir un minimum d'information. J'ajoute naïvement : "- La dernière fois que je lui ai demandé si les autres l'embêtaient toujours, il m'a répondu : ça va mieux, de toute façon, je m'y suis habitué maintenant". Réaction choquée du médecin : "- C'est grave ça ! (Se tournant vers mon fils) F, tu ne dois pas t'habituer à la violence et à la méchanceté, ce n'est pas normal." Je baisse la tête.

Longtemps après, ce dialogue me torture toujours autant.. En tant que mère, j'ai manqué à tous mes devoirs. Mon rôle était de le protéger, de ne pas le laisser se débattre seul contre des agressions injuste, de lui apprendre que, non, ce n'était pas normal. En tant qu'aspi, j'ai trop connu tout cela pour croire qu'il passerait au travers. Je voulais qu'il apprenne à trouver sa propre parade à cette menace bien réelle que constitue une société xénophobe (cf mon article "Xénophobie"). Mon propre passé m'avait rendue défaitiste.

Je n'ai pas de conseil à donner. Je ne suis moi-même qu'une maman aspie démunie qui n'a pas su toujours faire les bons choix. Je rappelle seulement à tous les parents d'autistes que nos enfants ont le profil type de victime de harcèlement, juste par leur différence. Je crois que mes parents ne s'en sont jamais rendu compte...

 

 

22 janvier 2016

Féminité

Mon ex-compagnon me disait souvent : "- Tu sais que tu pourrais être canon, si tu le voulais ?". "- Oui, je sais, mais j'ai pas envie" répondais-je avec ma modestie habituelle.

Je ne suis pas féminine.

Je vois d'ici certains se récrier. Ok, je peux passer pour une reine du sex-appeal à l'occasion. J'ai des tenues qui rendraient folle de jalousie la plus fashion des victimes. Il fut même un temps (lointain) où je ne pouvais pas sortir sans être plus maquillée qu'une voiture volée (c'était surtout pour pallier mon manque de confiance en moi et m'assurer que je pouvais séduire). J'ai même eu une brève carrière de modèle (les étoiles du show-biz n'ont jamais été assez fortes pour m'éblouir vraiment). Mais ceux qui me connaissent bien savent que même si je prends plaisir à être jolie parfois, je le fais à la façon d'un enfant qui se déguiserait. La plupart du temps, je m'habille à l'arrache avec des vêtements plus pratiques que seyants et justifie mon absence de maquillage quotidien par de l'allergie. Mon seul signe extérieur de féminité permanent est ma chevelure. Je suis très fière de mes cheveux longs malgré les intrus argentés qui viennent y dénoncer mon âge.

Ma fille et beaucoup de mes amis ne comprennent pas que dans la course aux hommages de l'autre sexe, j'essaie délibérément de me classer dans les outsiders, même pendant mes périodes de célibat. Attirer le regard des hommes est pour moi plus souvent gênant que flatteur, et quand je suis apprêtée, j'ai toujours l'impression d'être en représentation.

J'ai parfois eu des velléités d'affirmer ma féminité en contribuant à l'enrichissement de l'industrie cosmétique mais mes achats finissaient en décorations de salle de bain ou périmés au fond d'un placard. J'avais la flemme et, surtout, pas le réflexe de prendre soin de moi. Je n'ai découvert les produits dépilatoires, appris à me parfumer (toute odeur forte, bonne ou mauvaise, m'insupporte, ça n'aide pas) qu'après la quarantaine, pour faire plaisir à mes partenaires.

Je n'ai pourtant jamais eu de problème d'identification à mon sexe, contrairement à certains Asperger. Enfant, j'étais loin d'être un garçon manqué. On ne s'intéressait pas à mon physique, si ce n'était pour remarquer que j'étais parfois attifée bizarrement et plutôt sale (j'avais les ongles presque constamment noirs et l'on pouvait généralement deviner la composition de mon dernier repas aux taches qui agrémentaient mes vêtements). Dans le peu d'écoles mixtes que j'ai fréquentées, j'avais pourtant plus d'amis que d'amies (pour mon fils, c'est l'inverse). A l'adolescence aussi, j'ai fait partie de bandes où j'étais la seule fille. Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse. Même si j'ai, apparemment, un esprit plus masculin que féminin, j'ai été trop échaudée pour ne pas me méfier des revirements potentiels d'amitiés avec des représentants du sexe opposé. Il arrive toujours un moment où ils semblent découvrir que je suis une femme. Dès lors, le désir fausse tous les rapports.

Mes partenaires me disent souvent que j'ai une mentalité de mec, sans pouvoir m'expliquer de façon précise cette assertion. Mais cela développerait leur côté féminin à eux. Mon franc parler, ma dégaine assumée et mon manque de romantisme y sont peut-être pour quelque chose. Dans ma vie intime aussi, on me reproche un comportement trop masculin. Socialement, jusqu'à mon ex-mari, j'avais besoin d'avoir des compagnons qui réussissaient moins bien que moi. Concrètement, cela se traduit dans certaines activités où les rôles semblent inversés. J'ai eu un compagnon avec lequel je faisais des réfections d'appartement. Contrairement à ce que pensaient nos clients, c'était moi qui me chargeais du gros oeuvre et lui qui s'occupait des finitions. Un autre, à Nantes : quand nous entretenions nos véhicules ensemble, lui passait l'aspirateur, moi, je faisais les niveaux. Dans ma vie professionnelle, j'ai eu à diriger des hommes particulièrement misogynes, qui ne supportaient pas de recevoir d'ordres venant d'une femme...sauf de moi.

Dans notre société actuelle, malgré son évolution, les fonctions, les goûts et les réactions doivent répondre aux normes du genre. Certaines attitudes contraires peuvent avoir un effet castrateur. Je ne prétends pas que ces traits de caractère soient liés au Syndrome d'Asperger mais, plus soucieuses de leur vie intérieure que de leur apparence extérieure et moins soumises aux images conventionnelles, là aussi, les femmes aspies peuvent surprendre.

 

11 janvier 2016

Identité

Contrairement à ce que l'on croit généralement, étymologiquement, notre identité n'est pas ce qui nous singularise mais ce qui nous confond avec les autres. Autant vous dire que la découverte du SA nous plonge dans une sacrée crise identitaire.

J'ai une amie aspie dont j'ai fait la connaissance il y a presque deux ans maintenant. Nous ne nous téléphonons jamais et nous voyons très peu. Mais quand cela arrive, nous nous sentons tellement bien ensemble que nous avons du mal à nous séparer. Nous passons notre nuit à parler de nous (une fois n'est pas coutume) et à refaire le monde. Pas de tabou entre nous, tous les sujets sont abordés librement et sincèrement. Nous avons des goûts, des personnalités et des parcours très différents mais sommes sur la même longueur d'onde et nous comprenons à demi-mot.

Traversant récemment une phase particulièrement difficile (en fait, j'étais en plein état dépressif), elle n'a pas hésité à venir me voir. Elle-même est en plein désarroi. Je ne me permettrais pas d'évoquer nos échanges si je ne pensais pas qu'ils pouvaient être utiles à d'autres et ne publie cet article qu'avec son accord.

Mon amie se sent trahie, désavouée par des amitiés qu'elle croyait solides mais qui ont commencé à s'effriter après la découverte de l'autisme de son enfant et de son propre SA. Elle vit très mal ce changement de perception des autres, cette non-acceptation de sa véritable personnalité, de ses difficultés, tant pour elle que pour son fils, l'interprétation erronée de ses gestes et paroles. Elle devient amère, a besoin de pardonner pour se retrouver en paix avec elle-même mais s'en sent incapable pour le moment.

Cette situation n'est pas un fait isolé. Beaucoup d'entre nous se sont heurtés au scepticisme, à l'incompréhension, voire au jugement négatif de nos proches. Dire que l'on a un enfant autiste provoque un détestable regard de pitié, affirmer qu'on l'est soi-même, une incrédulité d'abord amusée, puis agacée, d'autant plus pour les personnes qui sont à l'extrémité du spectre et qui, au fil des années, se sont suradaptées . Pour les neurotypiques ignorants, l'autiste c'est un débile ou un génie mais ça se voit comme le nez au milieu de la figure.

Malgré l'évolution (très lente) des mentalités, les gens continuent plus ou moins consciemment à nous responsabiliser des manifestations d'autisme de nos enfants. Leurs crises sont qualifiées de caprices, leur solitude, due à une phobie sociale que nous aurions aidée (allez savoir comment !) à se développer, nous les stimulons trop ou pas assez, nous ne les éduquons pas correctement, nous en faisons le centre de nos préoccupations, de nos discussions, nous sommes trop détachés, ou, au contraire, trop fusionnels... On compatit sur le sort des parents d'autistes (les pauvres !) mais bon, hein, faut pas exagérer, il y a pire comme maladie.

Effectivement, il y a pire comme "maladie" mais élever un enfant autiste requiert beaucoup d'énergie (et nous, aspis, voyons la nôtre diminuer particulièrement rapidement), de temps, d'argent (surtout pour ceux qui le font suivre en libéral) pour l'amener à progresser vers la plus grande autonomie possible. Nous ne sommes pas indifférents aux malheurs des autres (bien au contraire), nous sommes juste "pompés" et concentrés sur notre quotidien. A la longue, ça lasse l'entourage...

La découverte du syndrome d'Asperger nous rassure et nous déstabilise en même temps. Elle nous change, nous explique pourquoi toutes nos tentatives de rentrer dans le moule étaient faussées. Comme l'écrivait si bien une aspie dans un groupe : "- J'ai mis [44] ans à me rendre compte que j'avais des difficultés....que les neurotypiques n'avaient pas". Et voilà que, non contents de tolérer les bizarreries de nos enfants un peu spéciaux, nous les cautionnons en nous identifiant à eux...

Nous devons prendre conscience que ce changement est souvent perçu de façon négative par l'extérieur. En changeant nos données de base, nous changeons celles des autres. Si c'est une petite révolution pour nous, c'est une grande confusion pour eux.

Mon amie m'admire. "- Comment fais-tu pour pardonner, pour ne pas en vouloir à ceux qui te tournent le dos ?" En analysant les choses, je constate que je me suis moins suradaptée qu'elle. J'ai peu d'amis, ils se comptent sur les doigts d'une main, mais tous m'ont acceptée telle que je suis réellement. Mais surtout, j'ai eu des parents (en particulier mon père) qui ont toujours cru en moi. Ils ont eu bien du mérite face à cette gamine qui ne faisait rien comme tout le monde, à croire que c'était à fin de les contrarier. (Ma mère a bien eu des doutes à l'adolescence mais je ne lui facilitais pas la tâche). Ils m'ont toujours valorisée en me répétant que j'étais quelqu'un de bien, d'intelligent, "d'à part" mais toujours avec une connotation positive. Mon amie, (pas plus comprise par ses parents que moi par les miens) elle, a vécu son enfance comme un rejet de ses particularités. Résultat : une culpabilisation exacerbée, une très mauvaise estime d'elle-même qui empoisonne ses relations avec autrui. Elle a l'impression de toujours donner sans jamais recevoir, d'offrir sa confiance et de n'engendrer que de la méfiance, d'être toujours condamnée alors qu'elle s'efforce de ne jamais juger, de faire des efforts surhumains pour s'adapter aux autres qui, eux, ne font pas un pas vers elle. 

J'ai connu cette culpabilisation et cette piètre image de moi mais à un degré moindre. Pour moi, si les autres me tournent le dos, c'est qu'ils ne me comprennent pas. Je ne peux pas leur en vouloir, j'ai eu tant de mal à me comprendre moi-même. A l'instar de mes parents, souvent je répète à mon fils qu'il est un enfant merveilleux, que si d'autres disent qu'il est bête, de ne pas les écouter et surtout de ne pas les croire, il a une intelligence et une logique différente, c'est tout. Et, non, il ne fait pas exprès d'être spécial pour se démarquer, attirer l'attention ou embêter les autres. Il n'a pas besoin d'être un génie ou un expert en quoique ce soit pour être quelqu'un de valable. Il est lui, tout simplement, avec des difficultés pour comprendre ce qui est plus facile pour ses semblables mais avec tellement d'autres capacités et qualités...

Quant à moi, j'ai fini la quête de mon identité...

16 novembre 2015

Utopie

Ma fille répète souvent : "- De toutes façons, avec ma mère, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !" Et "- On ne vit pas dans un monde de bisounours !" est une rengaine qu'on m'a maintes fois resservie. "- Quand tu auras pris autant de claques dans ta vie que j'en ai prises, tu arriveras peut-être à comprendre et à accepter les gens tels qu'ils sont" me serinait auparavant mon compagnon. Maintenant, c'est plutôt : " - On juge les autres d'après soi-même". Ce qui n'est pas faux.

On a les défauts de ses qualités et vice-versa. Notre naïveté pourrait provenir de notre propre réticence à mentir. Je crois avoir pris plus de claques dans ma vie que la moyenne des gens normaux. Pourtant, je continue à considérer les autres comme bienveillants et donne l'impression de n'avoir tiré aucune leçon de mes expériences négatives. Je n'arrive pas à me départir du principe que les gens sont de bonne foi. Et c'est heureux car quand j'essaie d'analyser les choses en leur prêtant d'autres intentions, je deviens véritablement paranoïaque. A défaut donc de voir tout en noir, je vois tout en blanc, tout en sachant pertinemment que la réalité (et ceux qui la composent) est grise. J'idéalise sciemment ce monde qui, sans cela, me paraîtrait invivable. De l'idéalisme à l'utopie il n'y a qu'un pas. Je passe pour une douce rêveuse et on m'érige souvent la formule "Tu ne pourras pas changer le monde" comme une barrière infranchissable, une fin de non-recevoir.

L'injustice et la violence me hérissent à un tel point qu'incapable d'exprimer mon indignation à sa juste mesure (malheureusement, submergée par mes émotions, plus j'ai de choses à dire moins je parle) qu'elles me laissent, la plupart du temps, dans un état proche de la sidération.

Cet article était en cours d'écriture quand sont intervenus les attentats parisiens qui m'ont complètement fait perdre le fil de ma pensée. Qu'importe, j'y reviendrai plus tard. Je suis les informations chez mon ami (ma télévision ne marche pas,merci Free !) avec la même fascination horrifiée que quand je regardais les images passées en boucle du 11 septembre. Je suis mal, très mal. Je traverse de grosses difficultés financières. Je subis un harcèlement au travail qui est devenu de plus en plus difficile à vivre et qui me culpabilise vis-à-vis de mon fils. Il n'y a, Dieu merci, aucune personne de ma connaissance recensée dans les victimes. Et pourtant, je reste obnubilée par toute cette violence, ces morts, ces blessés, cette souffrance...

 Je n'en parle pas. Quand je rentre du boulot, je demande juste le bilan officiel des victimes pour montrer que je m'y intéresse. Mon compagnon me fait part de toutes ses idées politiques en la matière (que je ne partage pas forcément), mes collègues commentent l'évènement, des polémiques s'engagent sur facebook. Je n'ai pas envie d'écouter, de commenter ou de polémiquer sur quoique ce soit. J'ai juste envie de rester concentrée sur ma douleur intérieure. Quand mon fils rentre, je me sens pourtant obligée de lui demander ce qu'il en a appris à l'école ou ailleurs, ce qu'il en a compris, ce qu'il en pense. Et me voilà en train de tenter de le rassurer, d'expliquer, de façon rationnelle et détachée, historiquement, politiquement, théologiquement, ce qui me parait inexplicable, inhumain, injustifiable.

I have a dream. Celui qu'un jour nous pourrons offrir à nos enfants une terre où le discernement aura pris le pas sur le fanatisme, où le désir de paix et de bonheur surmontera la peur et la haine, où la vengeance sera moins importante que la reconstruction, où l'intelligence humaine sera employée dans un esprit de bienveillance, où personne n'aura à souffrir de ses pairs pour quelque raison que ce soit...

Oui, je sais,c'est de l'utopie...

 

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8 novembre 2015

Règle

L'asperger est très respectueux des règles.Il les applique volontiers (et à la lettre) et ne comprend même pas que certains utilisent autant d'énergie pour essayer de s'y soustraire.

La loi et l'ordre (moral s'entend pour une bordélique telle que moi) sont des références précieuses où j'ai très tôt pratiqué l'autodiscipline. Enfant, on me considérait souvent, soit pour une petite fille modèle, soit pour une balance. A l'école, revenue à des établissements publics, je n'appréciais pas l'atmosphère bruyante et agitée que faisaient régner les élèves dissipés. Mes congénères se demandaient si j'étais de leur côté ou de celui des professeurs. A l'inverse, une partie de ceux-ci ne supportait pas que je remette en cause certains de leurs principes. 

Je suis, en effet, soucieuse de la bonne application de la règle. Encore faut-il que celle-ci me paraisse juste. Je ne peux pas adhérer à une règle illogique, absurde ou pire, inique.J'ai donc, paradoxalement, une réputation de quelqu'un de particulièrement docile, à la limite de la soumission totale, et celle d'une révoltée, suivant les regards. Mon père m'appelait parfois gentiment "Madame la raisonneuse" tant je discutaillais sur les détails d'une règle que je ne comprenais pas.Au travail, j'ai eu un directeur qui m'appelait "Arlette"(Laguiller) tant je le fatiguais par mes contestations. Cela ne l'a pas empêché de me faire accéder à un poste de responsable après qu'il eût compris que j'étais la personne la plus à même de faire respecter les règles dans son établissement, une fois en accord avec celles-ci. Un jour, ayant été contrôlés à deux pas de notre domicile, des policiers nous avaient demandé de garer notre véhicule et de rentrer à pied, vu l'état d'ébriété de mon ex-mari (je n'avais pas encore le permis de conduire à l'époque). Celui-ci était décidé à le reprendre après avoir fait un tour de pâté de maisons et s'être assuré que les policiers étaient repartis. Il a dû me porter dans la voiture de force et s'est bien moqué de ma naïveté. Je ne suis pas une sainte, loin de là. J'ai moi-même contrevenu bien des fois aux règles. Mais le faire me rend mal à l'aise et j'ai l'impression que ma conscience me tourmente bien plus que la moyenne des gens. De plus, mes règles ne sont pas forcément celles des autres. Je peux donc paraître insupportablement tatillonne et ingérable à la fois.

Cette volonté d'être en conformité (tiens, pour une fois que c'est moi qui suis conforme à quelque chose !) avec la règle m'apporte bien des déboires. Elle pourrait même expliquer en partie le harcèlement dont j'étais victime dans le milieu scolaire et qui continue dans le milieu professionnel sans compter les nombreuses railleries qu'elle occasionne dans la vie quotidienne. Se voir repris ou dénoncé par un pair, un collègue, un ami est considéré comme une trahison par les neurotypiques. Respecter scrupuleusement la règle même en l'absence de tout témoin est considéré comme une tare, voire le summum de l'imbécilité. Je m'exerce donc à commettre certaines infractions pour ne pas paraître trop idiote, m'efforce de prendre du recul et d'accepter l'à peu près dans d'autres situations même si, comme tout bon autiste qui se respecte, j'ai cette petite phrase qui me trotte dans la tête : "La règle, c'est la règle".

16 octobre 2015

Crise

On parle beaucoup des crises des enfants autistes. Certaines peuvent faire peur par leur violence. Les miennes, à part peut-être une brève période pendant mon adolescence, n'étaient pas redoutables.Elles se manifestaient par des séances de larmes qui m'épuisaient et énervaient mon entourage. Elles étaient imprévisibles et interminables, seul mon père parvenait parfois à me calmer. On ne pouvait pas les qualifier de caprices puisque ce n'était jamais dans le but d'obtenir quoique ce soit, sinon la paix. D'ailleurs, souvent je me réfugiais au fond du jardin pour pleurer tout à mon aise.On m'appelait "la fontaine" et "le saule pleureur". A l'époque, j'étais bien incapable d'en expliquer la cause. Ma mère, qui, paradoxalement, le reste du temps me taxait d'intouchable, d'indifférente à tout, me disait : "- Chez toi, ce n'est pas de la sensibilité, c'est de la sensiblerie". Une incapacité à mettre un mot sur mes émotions parfois contradictoires (alors que je ne manquais pas de vocabulaire), ou une surcharge de bruits ou d'odeurs, mêlée sans doute à de la fatigue m'amenait à cet état latent que certains autistes appellent "shutdown". Il suffisait alors d'une étincelle pour provoquer l'explosion, le fameux "meltdown".

Ainsi, je me rappelle très clairement, le jour où mes parents nous ont emmenés au cinéma voir "West Side Story". Selon les souvenirs d'une de mes soeurs, j'étais imperméable aux aventures humaines. Seuls les films ayant un animal pour héros parvenaient à me toucher. Ce jour-là, pourtant, la magie du cinéma (ou des chants et chorégraphies, j'aime particulièrement les comédies musicales) a opéré. J'ai été submergée par une vague d'émotion dont je n'ai pourtant rien montré. Peu de temps après, mon frère m'ayant légèrement bousculée, je suis partie en crise de pleurs et de cris... Cet exemple est anecdotique. Il vise à démontrer que ces crises n'étaient pas forcément liées à une cause apparente, ni même à de la tristesse, mais aussi que la difficulté à exprimer ou même analyser un sentiment peut engendrer un véritable mal-être.

En grandissant, les crises de larmes se sont raréfiées (bien que mon ex-mari avait coutume de dire qu'il me fallait pleurer une fois par mois pour me sentir bien), elles représentaient pour moi des signes de faiblesses qu'il me fallait à tout prix endiguer. En revanche, je somatisais beaucoup. Aux maux de tête tenaces que je traînais depuis l'enfance, sont venus s'ajouter des maux de dos, de ventre, des crampes d'estomac, des douleurs articulaires, de brusques chutes de tension... Le moindre stress (et je possède des facultés extraordinaires pour arriver à me noyer dans un verre d'eau) occasionnaient l'un ou l'autre de ces symptômes, si ce n'était plusieurs à la fois. Peu habituée à me plaindre, encore moins à consulter, je prenais ces petits tracas avec humour en me disant que je ne ferai pas de vieux os...

Après la fin de ma vie conjugale, je commence à avoir des crises d'angoisse qui provoquent de fortes douleurs thoraciques et maxillaires. Suite à un sérieux malaise qui m'amène à l'hôpital où une batterie d'examens ne révèle rien, mon médecin me dit que c'est psychologique. Je maudis ce corps qui me trahit et m'efforce de me détendre et de respirer doucement lorsque je sens la crise arriver... jusqu'à mon second séjour dans le même établissement, cinq ans plus tard, en passant encore par la case "urgences". Cette fois, les cardiologues ne croient pas à la source psychologique et décident de me garder jusqu'à ce qu'ils trouvent ce que j'ai. Après cinq jours d'hospitalisation et une coronarographie qui ne décèle qu'un discret arthérome et une légère malformation, le diagnostic tombe : spasmes coronariens. Ce sont des contractions bien réelles (ouf, rien d'imaginaire ni de psychologique !) qui produisent les mêmes effets qu'un infarctus (les électrocardiogrammes et les prises de sang l'attestent) et sont très rarement (et, j'ai l'impression, récemment) observées. Je suis soulagée qu'ils aient trouvé quelque chose même si j'ai l'impression, depuis, de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Si je vous donne autant de détails sur ma santé, ce n'est pas pour le plaisir d'élaborer une litanie d'hypocondriaque.

J'ai remarqué que ces crises de souffrance physique intervenaient exactement dans les mêmes circonstances que les crises de larmes : quand je suis fatiguée, en retard (hé oui, la ponctualité est une de mes "psychorigidités"), quand on me crie dessus (pas pour ce que cela a de communément désagréable mais pour les décibels), quand j'ai peur (le plus souvent, par anticipation), quand on m'oblige à parler ou qu'on me pousse à m'expliquer...

Mon fils, lui, fait régulièrement des crises de larmes. Contrairement à celles que j'avais à son âge, elles ne sont ni bruyantes ni longues. Je le câline un peu mais surtout, je lui accorde du calme et du silence. Dans ces moments-là, l'abreuver de questions sur ce qui le met dans cet état ne fait que prolonger la crise. Parfois, à force de revenir à la charge, il arrive à me l'expliquer. Mais, généralement, la moindre allusion menace de le faire replonger dans les pleurs ou ne recueille qu'un vague "- je ne sais pas".

Beaucoup de parents seront déçus par cet article. Non, je ne sais pas ce qu'est une crise de meltdown violente. Je n'ai aucune recette miracle à proposer même pour de simples crises de larmes. Aux dépités, je conseille de lire "Le meltdown n'est pas une crise de colère" dans le blog dont vous trouverez l'adresse dans les commentaires.

 Retenez seulement ceci : de même que les enfants autistes deviennent des adultes autistes, les crises ne disparaissent pas en grandissant. Elles évoluent. 

Quand nous sommes en shutdown, nous ne faisons pas la gueule, nous essayons de rétablir notre équilibre intérieur pour éviter le meltdown.

Tenez en compte, s'il vous plait car comme quelqu'un l'a fort justement écrit dans un forum malheureusement aujourd'hui inaccessible : "Il est important de respecter un shutdown, c'est une politesse autistique, un moyen de se maîtriser, parfois le seul à notre portée. "

 

8 octobre 2015

ADI

Il y a trois semaines environ, coup de fil du CHU. Mon interlocutrice se présente : psychologue habilitée à faire passer les tests de diagnostic de l'autisme. "- Le docteur D m'a dit que vous souhaitiez avoir un diagnostic pour votre fils". Waouw ! Je ne m'attendais pas à une réaction aussi rapide après le dernier bilan (cf article Rentrée 2015-2016). Je suis tellement habituée à ce qu'ils me fassent traîner et ne prennent en considération mes suggestions qu'après mûres réflexions... La "menace" d'un diagnostic par le CRA pourrait-elle justifier cet empressement ?... Oui, oui, je confirme ma demande, plutôt deux fois qu'une.

A la question maintenant rituelle "Pourquoi ?", ma réponse (je pense qu'une évaluation de ses difficultés et de ses capacités sur une certaine échelle permettrait de lui apporter une aide plus adéquate sans entretenir un assistanat inutile) semble la satisfaire.

"- Le docteur D m'a parlé d'un autisme de haut-niveau (ah bon ? J'aurais bien aimé qu'il m'en parle à moi aussi !), c'est un peu spécial, cela demande des tests plus poussés, notamment des tests de QI. Seriez-vous d'accord pour qu'il les passe ?" Oui, oui, je suis d'accord pour tout. Ma réticence pour ce genre de tests (cf article QI) est depuis longtemps balayée par la nécessité d'obtenir un diagnostic fiable.

Nous convenons donc de lui faire la totale.La première étape pour le diagnostic est l'ADI (Autism Diagnostic Interview). Ma présence est indispensable. Heureuse coïncidence, je suis en arrêt maladie. Elle me propose un rendez-vous entre midi et deux, heures de sorties autorisées. Elle verra F pendant les vacances scolaires afin de lui éviter de manquer davantage de cours. Très, très bon point pour elle...

En fait, je ne sais pas très bien si le test auquel j'ai participé était l'ADI ou l'ADI-R. On vous dira que dans les deux cas, il s'agit d'un entretien semi-structuré, c'est-à-dire, partant de questions précises dont les réponses sont cotées par l'examinateur mais laissant le dialogue ouvert, ce qui permet de nuancer l'évaluation. Les questions portent surtout sur la période des 4-5 ans. Aïe, dur, dur, l'ADI pour un ado. A la fuite des souvenirs vient s'ajouter un problème de taille : je suis mauvaise observatrice et encore plus mauvais juge. J'explique que, bien que cela fasse doucement rigoler le docteur D, j'estime avoir moi-même des traits autistiques qui m'ont empêchée de déceler la moindre anomalie dans le comportement de mon fils que tous s'accordaient à trouver anormal depuis sa petite enfance, que, malgré les exhortations répétées de mon entourage et de ses professeurs, je ne me suis décidée à ouvrir les yeux que quand j'ai réalisé qu'il en souffrait. Oh surprise ! Elle ne me rit pas au nez et loue ma motivation.Elle m'explique à son tour que son but n'est pas d'apporter des réponses aux inquiétudes des parents ou aux exigences des professeurs mais bien de tenir compte de la personnalité de l'enfant et de sa souffrance éventuelle.

L'entretien dure presque deux heures dans de très bonnes conditions (pour moi. Elle, sera contrainte à pointer de nombreuses réponses de gros points d'interrogation). Sont abordés les étapes du langage, de l'imitation, du jeu, les autres façons de communiquer (regard,mimiques, gestes), l'envie de communiquer, les rituels, les stéréotypies, les intérêts restreints (ceux de mon fils sont trop communs pour être considérés comme tels, elles les qualifie plutôt de "passions"), son aptitude à partager, l'hypersensibilité des sens... Je ne veux pas vous ennuyer en vous rapportant tout ce qui s'y est dit mais cette journée est à marquer d'une croix blanche pour moi :

Je dois avouer que, même si l'on ne s'est pas gêné de critiquer ma façon de percevoir et d'éduquer mon fils, je n'ai jamais été vilipendée, à l'instar de nombreux parents, par les professionnels. Pourtant, c'est la première fois que l'on me dit que, non, mon respect de sa différence ne l'a pas limité ni incité à végéter mais, au contraire, lui a donné l'envie et la force de communiquer. C'est tout juste si elle ne m'a pas félicitée. Cela s'apparente, pour moi, à un petit miracle que je n'attendais plus.

Alors, une fois n'est pas coutume : Bravo et merci le CMP !

 

30 septembre 2015

Amis d'enfance

La question qui a taraudé mon fils de l"entrée au primaire jusqu'à l'année dernière, celle qui lui tenait à coeur au point qu'il osât l'exprimer était "- Comment se fait-on des amis ?". 

Voilà une des choses les plus naturelles qui soit, qui se crée spontanément au contact de la société mais qui reste parfois une énigme pendant bien longtemps pour un aspi.

 Au concours de la plus populaire des filles, j'arrivais bonne dernière mais je n'ai pas manqué d'amis. Dès ma plus tendre enfance, j'avais un petit voisin avec lequel j'entretenais un sentiment "amoureux" tel qu'on en a à cet âge. Par la suite, changeant souvent d'école, spontanément mise à l'écart par l'ensemble de la classe,mais toujours désireuse d'aller vers les autres, je repérais vite une autre brebis galeuse qui allait devenir ma compagne inséparable pour l'année scolaire. Dans un milieu bourgeois provincial très collet monté et respectueux des convenances, je n'avais pas de mal à trouver celle qui détonait : l'une parce qu'elle portait ses jupes trop courtes, l'autre, parce qu'elle venait de Paris... Le couple le plus bizarrement assorti que j'ai pu former était avec mon amie C. Tout le monde riait sous cape en nous voyant passer : La grande noire avec deux ans de retard et la petite jaune avec deux ans d'avance...

Mise à part cette relation exclusive, j'étais plus à l'aise avec les adultes ou, au contraire, les tout-petits.Ce décalage avec les gens de ma génération subsiste encore, bien que moins flagrant et avec des exceptions (surtout aspies). A la réflexion et en voyant évoluer mon fils, je me dis qu'un manque d'intérêts communs pourrait l'expliquer. Ce que je ne m'explique toujours pas, par contre, c'est cette mise à l'écart spontanée, instinctive, avant même d'avoir eu l'occasion d'ouvrir la bouche et cela, dès l'enfance, donc par des êtres censés être dénués d'idées préconçues. La psy d'une amie aspie (ou de son fils) avait pour théorie que l'homme étant un animal grégaire, ce serait nous, inconsciemment, par notre attitude, par notre posture, qui enverrions des signaux mal ou non interprétés. Bref, le troupeau ne reconnaîtrait pas un de ses membres. Bien que cette notion reste très abstraite, elle reste à creuser et je la trouve intéressante.

Mon fils s'est fait ses premiers amis l'année dernière, à l'occasion des vacances d'été. Une passion commune pour les animaux l'a rapproché de deux frères en villégiature à Noirmoutier. Cela lui a permis de reprendre confiance en lui et même de se trouver une amie à le rentrée d'après. Celle-ci l'a beaucoup aidé et mon fils avait fini par être bien intégré dans sa classe. Cette année, tout est à recommencer. J'ai bien essayé de lui suggérer mes tactiques d'approche, mais lui, s'en sent incapable. Il me reste un espoir : une initiative du collège qui fait intervenir une association au mois d'octobre pour sensibiliser les jeunes à la mise à l'écart de personnes susceptibles d'être victimes de harcèlement.

Aujourd'hui, je n'ai gardé aucun ami d'enfance. Une rupture avec mon milieu à l'adolescence n'a certes pas aidé les choses, peut-être ne s'agissait-il pas d'une véritable amitié mais d'un compagnonnage de circonstance, mais, surtout, j'ai beaucoup de mal à maintenir un lien dans le temps, même avec des gens que j'aime ou que j'apprécie. Une relation, cela s'entretient. Or, malgré les moments agréables partagés, même si je l'ai appris depuis, j'ai du mal à la faire durer. Cela demande des appels téléphoniques au cours desquels je ne saurais pas quoi dire, des envois de cartes de voeux à l'occasion de Noël ou du nouvel an (pratique que je trouve affreusement conventionnelle, donc pas du tout sincère)...

Je me contente donc de garder de mes amis d'enfance une nostalgie authentique mais rarement exprimée, comme le reste de mes sentiments d'ailleurs....

8 septembre 2015

Rentrée 2015-2016

Autant j'abordais cette même période l'année dernière débordante de projets et d'optimisme, autant cette rentrée me trouve désabusée.

Mon fils entre en 4ème avec beaucoup de réserves émises par ses professeurs. Un PAI et le tiers temps seront demandés officiellement au 2ème trimestre mais appliqués de fait dès la rentrée.

Au CHU, à mon grand étonnement, il n'est pas repris dans l'atelier "habiletés sociales" mais intègre un atelier "cuisine". Fini aussi l'atelier "médiation corporelle", remplacé par des séances individuelles de psychomotricité. Ils essaient aussi de lui trouver une place en orthophonie bien qu'ils eussent préféré que je le fasse suivre en libéral. Désolée, pas les moyens.

Je les informe que j'ai contacté le CRA pour leur demander de poser un diagnostic. Raidissement immédiat du médecin-chef. "- Nous pouvons le faire ici". Il me parle de l'ADO, l'ADI-R, et d'autres test, mettant en valeur tous les moyens dont ils disposent, essaie de me décourager ("nous mettons les parents à contribution et leur demandons beaucoup de temps") sachant mon peu de disponibilité, ils ont les personnes habilitées à faire les tests mais pas sur place... Bref, tout est long, difficile mais possible. D'ailleurs, j'ai tout intérêt à ce qu'il soit diagnostiqué ici car au CRA, ils n'ont pas de suivi alors qu'eux, oui. "Bon, on ne va pas tourner autour du pot, parlons franchement, votre fils a des problèmes qui relèvent des TED et de l'autisme" (tiens, c'est bien la première fois qu'il est si affirmatif). Il me fait comprendre qu'il lui sera bientôt impossible de poursuivre une scolarité normale. Oui, mais qu'en faire ? Mon fils est plus intellectuel que manuel et il est clair qu'il serait incapable de passer ne serait-ce qu'un entretien pour une demande de stage... En fait, il le condamne à plus ou moins brève échéance à une vie d'assisté... "Mais qu'est-ce qui vous a poussée à vous adresser au CRA ? Pourquoi avez-vous tant besoin d'un diagnostic ?" Je lui explique que j'en ai fait la demande pour moi-même et que j'en ai profité pour impliquer mon fils dans ma démarche. "- Ah oui, dit-il à l'éducatrice et à la psychomotricienne en m'adressant un sourire mi-moqueur, mi-de commisération, le syndrome d'Asperger, c'est très à la mode ces temps-ci !" No comment.

Pour ma part, j'en suis à la première étape de ma démarche : entretien avec une psychiatre afin qu'elle me fournisse une lettre de recommandation pour le CRA. Je vous le relaterai plus tard car il vaut bien un article à lui tout seul.D'ailleurs, un autre rendez-vous est prévu et je ne sais toujours pas si elle me fera ce fameux courrier.

Pour l'instant, toute mon énergie est employée dans mon travail où des injustices aberrantes sont commises. Elles sont si révoltantes que je me suis engagée dans une bataille acharnée pour défendre mes collègues, et moi-même par contrecoup. C'est épuisant mais vivifiant.

Bonne rentrée à tous !

 

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