Handicap

Le syndrome d'Asperger est appelé "le handicap invisible". Je suis, pour une fois, assez d'accord avec cette dénomination.

Je suis une personne d'apparence tout à fait anodine : calme (mais cela peut passer pour une qualité), intelligente (c'est en tout cas ce qu'on me dit), m'exprimant correctement (quoiqu'avec un léger accent par moments), sachant me conduire en société (malgré une fâcheuse tendance à collectionner les gaffes), présentant bien (quand je veux m'en donner la peine)... Je mène une vie sociale normale, j'ai un travail, des amis et beaucoup de connaissances. Rien ne me distingue, à priori, du reste d'une population essentiellement composée de neurotypiques.

Qui, en me voyant présider une assemblée générale de plus de 100 personnes, pourrait se douter que l'acte tout simple d'entrer dans une boulangerie pour acheter une baguette est une difficulté presque insurmontable pour moi? Qui penserait qu'après une soirée où je suis si joyeuse, si animée, il me faut des heures, voire des jours de solitude pour me retrouver, me ressourcer ? Quel collègue me trouvant trop directive et énergique au travail croirait qu'il me faut compenser chaque service par des balancements dès que je suis seule ? Qui, en me lisant, en parlant avec moi, en me connaissant, comprendrait que je ne sais jamais quand ni comment dire bonjour ou au revoir ? Qui, constatant ma réactivité dans certaines situations imaginerait que le moindre imprévu me déstabilise ?

Mes difficultés sont inombrables et...invisibles. Ma vie est faite de paradoxes. Parce que je suis capable de faire de grandes choses, on ne conçoit pas mes inaptitudes pour les petites. Pourtant, le quotidien est constitué de petites choses, de petits riens qui me mettent sans cesse en échec. Je peux faire illusion un certain temps, paraitre brillante même. Mais...oui, je me sens parfois une "handicapée de la vie" comme on me l'a souvent lancé. Je me suis tellement suradaptée que presque rien ne me différencie des autres. Je dis "presque" car l'on continue à me trouver "bizarre" sans trop savoir pourquoi. Mais ma "bizarrerie" n'est pas dérangeante. Je passe tout au plus pour une originale. Je paie cette "mise en conformité" de crises d'angoisse qui se multiplient avec le temps.

Je me dis parfois que j'ai besoin d'aide. Mais de laquelle ? Et qui pourrait me l'apporter ? J'ai pensé aux groupes d'habiletés sociales pour adultes mais je ne pense pas qu'ils leur restent des choses à m'enseigner que je n'aurais déjà apprises par moi-même. Je suis autonome. Je réussis plutôt bien tout ce que j'entreprends. Alors ? Je me suis longtemps demandé "- Qu'est ce qui ne va pas chez moi ?" Maintenant que je le sais, je ne suis pas plus avancée. C'est même un peu frustrant de me dire que cette incapacité biologique m'obligera à batailler toute ma vie pour comprendre ce qui est si simple, basique, inné pour les autres; que toute mon intelligence ne suffira pas à compenser cet handicap qui restera invisible...

Comments

[asiafanzerbaboy]

Bon blog. De la part d'un aspie fan d'Asie :)