Goûts

Il parait que les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Apparemment, chacun a les siens et les connait bien. Pour la couleur, je sais. Pour moi, c'est le bleu. J'ai, comme tout le monde, une plat de prédilection et un que je déteste. Mais pour le reste... Je passe pour quelqu'un de pas contrariant, d'indécis, d'indifférent, (de chiant), de je-m'en-foutiste, car je peux rarement afficher une préférence marquée quand on me met devant un choix. "Les choses n'ont que l'importance qu'on leur accorde" (ça, c'est de moi). Et, à part celles que j'adore ou que j'abhorre, elles n'en ont pas pour moi.

A chaque Noël, chaque anniversaire, le problème revient. Que peut-on m'offrir ? Maquillage ? Parfum ?, Produits de beauté ? Je me maquille rarement, me parfume une fois l'an et n'ai pas le réflexe de prendre soin de moi. Des ustensiles de cuisine ? De la vaisselle ? Je ne fais presque plus de cuisine et reçois encore moins. Des vêtements ? J'en ai des tonnes, mets toujours les mêmes et préfère les choisir moi-même. Une plante ? Je ne peux pas garder de plante en pot chez moi à cause de mon chat et je ne vois pas l'intérêt des fleurs coupées. Et tous les ans, la question : "- Dis-moi ce qui te ferait plaisir, mais pas de livre !" Une seule fois, j'ai réussi à dire à un ami : "- Je voudrais que tu m'emmènes au théâtre. Le théâtre me manque". Et puis, avec mon travail, c'était vraiment impossible à planifier. Alors, on y a renoncé. Donc, invariablement, j'ai droit au Ferrero Rocher (mes chocolats préférés) pour Noël, et aux livres pour le reste (on y revient !) parce qu'en dehors de ça, mes amis ne savent pas (moi non plus) ce qui me ferait véritablement plaisir.

Mon fils a le même problème. Il a quelques envies passagères (devant les publicités télévisées, par exemple) mais peu de réels désirs. Sa marraine se creuse la tête chaque année à l'approche de son anniversaire. Quand elle lui demande ce qu'il veut, il ne sait pas. Et quand on lui offre un cadeau, il est plus préoccupé du papier d'emballage que de l'objet en lui-même. Il remercie en souriant à peine (et encore, quand il sourit !). Ce n'est que plus tard, à l'usage qu'il en fait, que je me rends compte de son degré d'appréciation. Sur l'instant, ce n'est vraiment pas gratifiant pour le donataire.

Il y a peu de temps, sa soeur était furieuse contre lui. J'arrive en cours de dispute (disons plutôt que c'était elle qui le grondait, lui, ne disait rien).

"- Doucement, qu'est-ce qui se passe ?"

"- Ouais, je veux bien croire qu'il a des problèmes (j'avais découvert le syndrome d'Asperger depuis peu, et venais d'en informer ma famille), mais là, il se fout de moi. Je lui demande s'il a envie d'aller à L... ou pas. Il me répond qu'il ne sait pas. Il le fait exprès. Tu ne vas pas me dire qu'il ne sait pas ce qu'il veut !"

Quelques jours après, j'achète le livre de Claire Grand, " Toi qu'on dit Autiste; le syndrome d'Asperger expliqué aux enfants". Je le survole avec mon fils, lui pose les questions qui me paraissent les plus pertinentes. A l'une d'elle, il aquiesce complètement. Et nous découvrons ensemble que savoir ce qu'il aime ou ce qu'il veut n'est pas naturel chez lui. Alors, non, il ne le fait pas exprès. Ce qui est évident et inné pour d'autres est très difficile pour lui.

Je voudrais finir cet article par un extrait du blog de JM Devezeaud (que j'aimerais bien mettre en lien avec ce blog mais mon incapacité notoire en informatique m'en empêche):

" Si on me demandait si j'aimais quelque chose, je disais toujours oui, à moins que je ne puisse vraiment pas assumer ce "oui" (comme manger de la cervelle ou de la langue par exemple !). J'étais incapable de savoir ce que j'aimais ou pas. Incapable ! Vous savez ce que ça veut dire ? Ça veut dire que je ne savais absolument pas qui j'étais ! Ça veut dire que j'étais incapable de définir ma personnalité, et donc de vivre tout simplement".